Pourriez-vous dire, en quelques mots, ce qu’est la GAR et la situer dans son contexte?
De plus en plus, les partenaires techniques et financiers des gouvernements des pays du Sud, font attention à l’utilisation des ressources qui leur sont allouées. Les pays du Sud également, sont appelés à mettre en œuvre, des stratégies de développement pour lesquels les populations attendent effectivement des résultats. Il y a, par ailleurs, un mouvement mondial vers la transparence et une responsabilisation accrue dans la gestion des affaires publiques. Les mécanismes de suivi-évaluation prennent aussi de l’importance. Dans ce cadre, la Gestion Axée sur les Résultats, se présente comme une approche, une démarche instrumentale qui peut aider les pays du Sud à atteindre leurs objectifs de développement.
C’est un ensemble d’outils qu’il faut mettre en œuvre pour adresser les défis liés à l’effectivité du développement. De plus en plus, vous entendrez parler de l’effectivité du développement qui va au de-là de l’efficacité de l’aide. Ces questions montent en puissance et une des approches de gestion pour les adresser, est la GAR. Les pays seront plus rigoureux dans l’élaboration de leurs stratégies sectorielles ou leurs stratégies nationales de développement. Ils seront plus rigoureux et pertinents dans la mise en œuvre effective de ces stratégies, dans leur suivi-évaluation et dans les leçons qu’ils peuvent en tirer. Tout ceci appelle donc que les gouvernements fassent le choix d’axer leurs actions quotidiennes et stratégiques (à long termes), sur la livraison effective de résultats. D’où, la GAR.
Pour résumer, la GAR est une approche de gestion publique qui oriente les ressources vers l’atteinte de résultats. Ceci appelle un certain nombre d’ajustements de la part des gestionnaires et des décideurs publics. Les questions de transparence, de reddition de comptes, d’obligation de résultats montent en puissance quand on s’oriente dans une approche GAR.
Quels sont les principes de la Gestion Axée sur les Résultats?
Le premier principe de la GAR est celui de la participation : les gouvernants doivent s’accorder avec les citoyens pour lesquels ils entreprennent les activités et sur les résultats à atteindre. Les Bailleurs également, se sont engagés, dans le cadre de la Déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide, en 2005, à accompagner nos gouvernements pour la mise en œuvre de la GAR.
Le second principe important, c’est celui de la question du leadership national sur les résultats de développement: rien ne sera dorénavant imposé. Les Bailleurs sont prêts à s’aligner sur les choix stratégiques pour le développement de nos pays. Il s’agit de l’appropriation des défis de développement par les pays bénéficiaires de l’aide.
Après la focalisation sur les résultats, c’est le mécanisme de structuration des programmes et projets axés sur ces résultats-là. Il s’agit de se focaliser sur tout le processus de la mise en œuvre de ces programmes et projets sur lesquels l’on s’est engagé avec les populations bénéficiaires. Ces populations sont en réalité, dans le cadre de l’approche GAR, vues comme ‘’des clients’’ des gouvernants.
Il ya aussi le principe qui relève des mécanismes de mesure des résultats : un ensemble d’indicateurs performants et de cibles qui doivent être définis, validés et permettant de suivre la mise en œuvre des projets et programmes. Dans le cadre de la GAR, l’évaluation prend de l’importance. Il serait inconcevable que dorénavant l’on ait des institutions publiques sans départements ou services renforcés, pertinents, chargés de l’évaluation des programmes et projets. Comment pourrait-on structurer les projets et programmes à venir, si l’on n’a pas tiré des leçons de ce qui a été fait précédemment? Ceci n’aurait pas de sens!
Dans le cadre de la GAR, les notions de responsabilisation, de délégation prennent de l’importance. Le contrôle à priori est relâché pour renforcer le contrôle à postériori. Les processus certes, mais ajustés pour permettre d’atteindre les résultats du développement. Il y a un ensemble de mutations institutionnelles et d’approches de gestion (ce que les Américains appellent ‘’New public Management’’), dans lequel s’inscrit l’approche GAR. Nos pays (surtout la Côte d’Ivoire), devraient s’orienter dans ce cadre. Les défis de développement dans ce pays sont tels qu’il y a besoin de mettre sur la table et d’adopter l’approche de la Gestion Axée sur les Résultats de développement. Ce n’est pas un discours vain. C’est dans les comportements de tous les jours qu’on voit la mutation. Je tiens à le rappeler, ce changement ne s’opère pas en un jour. La GAR est une approche qui comprend un processus d’apprentissage. On tire toujours des leçons du passé pour s’améliorer. Il est important que nos gouvernants s’y engagent.
Il a été relevé au cours de l’atelier de formation, une nuance entre les indicateurs de performances SMART et CREAM. Vous voudriez bien revenir sur ces indicateurs.
On a toujours entendu dans les discours des partenaires techniques et financiers qui appuient nos gouvernants, les indicateurs SMART. En réalité, quand on structure nos programmes et projets, il y a des indicateurs de performance et des cibles qui couvrent chacune des années du projet ou du programme. Les critères CREAM+ (Clear-Relevant-Economic-Adequate-Monitorible) sont appliqués à la spécification et à la validation des indicateurs de performance. Le ‘’+’’explique que si vous avez deux ou trois indicateurs en plus d’un indicateur initial adopté, l’indicateur additionnel que vous allez choisir, doit donner une information additionnelle.
Les critères SMART sont des critères de choix et de validation des cibles. La cible doit être spécifique à l’indicateur, elle doit être mesurable, atteignable et réaliste. Si vous avez une cible qui ne tient pas compte des contraintes que vous avez, qu’elle est en réalité utopique et donc non atteignable, cela signifie que les résultats sur lesquels vous vous engagez ne sont pas pertinents. La cible doit être limitée dans le temps, sinon vous pilotez à vue! Ce sont des subtilités qui sont importantes dans la budgétisation des projets axés sur les résultats. Lorsque vous avez votre indicateur et votre cible, vous êtes capables de faire un ‘’costing’’, une budgétisation de votre projet pour chacune des années.
Dans la chaîne d’impact, pensez-vous que l’absence ou l’insuffisance d’un élément puisse conduire à l’échec des résultats ?
D’abord, il faut noter que la chaîne d’impact, c’est la chaîne des résultats. Ce sont des niveaux qui nous permettent de suivre et de savoir que les projets tels qu’ils ont été structurés ont du sens, qu’ils contribuent aux objectifs de développement, soit sectoriels, soit nationaux. Pour rappel, la chaîne d’impact, au premier niveau, ce sont les moyens qu’il faut mobiliser (ressources physiques et financières) pour dérouler les activités pour obtenir des extrants. L’utilisation des extrants permet d’avoir des effets qui se traduisent, à terme, en impact. Sans moyens, vous ne pourrez pas réaliser vos activités et si vous n’avez pas d’activités, vous ne pourrez livrer vos produits et services. Ces produits et services, s’ils ne sont pas livrés, ne produisent aucun effet et sans effet, vous n’avez, à terme, aucun impact. La chaîne d’impact, c’est le cycle d’analyse de la GAR. Lorsqu’on se lance dans la préparation de projets, il est important d’en connaître le fil conducteur qui est la chaîne d’impact.
Vous avez évoqué, au cours de votre exposé, une série de questions qu’il convient de se poser avant d’entreprendre une activité. Pourriez-vous y revenir ?
Les gens veulent tout faire parce qu’ils veulent qu’on les voit partout. Est-ce qu’ils entreprennent des activités qui contribuent à atteindre les objectifs et résultats de développement ? Est-ce que ces activités répondent aux défis auxquels leur secteur ou le pays, dans son ensemble, est confronté? Voilà par exemple quelques questions que chacun de nous et surtout les gestionnaires publics devraient se poser. Le premier niveau de question qu’on devrait effectivement se poser est : ‘’Est-ce qu’on fait les bonnes choses ?’’ Le deuxième niveau, ‘’Est-ce qu’on fait les choses correctement ?’’ Ce sont ces types de question que la GAR pose.
Gérer pour et non par les résultats, qu’est-ce que cela signifie ?
Lorsque l’on structure son plan stratégique, ses projets ou programmes prioritaires, il y a un certain nombre de résultats qu’on devrait atteindre. Prenons par exemple les résultats de développement. Vous devriez par exemple, construire des salles de classes pour scolariser des jeunes filles, dans le nord de la Côte d’Ivoire. Lorsque que vous avez ces salles, il vous faut effectivement que ces jeunes filles viennent s’inscrire et suivent régulièrement les cours. Si alors que vous disposez de classes, vous n’avez pas d’élèves, on dit que vous avez géré pour des résultats. Vous n’étiez pas en réalité dans une démarche orientée sur les résultats de développement. Vous avez certes entrepris des choses mais qui n’étaient pas correctes. On a eu en Côte d’Ivoire, des pompes villageoises qui ont été réhabilitées sans que les villageois ne les utilisent. Ce sont des actions qui n’ont pas répondu aux défis du développement.
Les avantages de la planification stratégique ?
Tout décideur public ou privé et même un ménage ne peut piloter à vue. La planification stratégique consiste à se donner des fondamentaux, des piliers, un cadre d’orientation pour l’avenir. Il faut planifier en tenant compte : des défis de l’environnement, de son organisation interne, des capacités en Ressources Humaines, des besoins des populations. Lorsqu’on planifie, on est à même de faire face aux contraintes de ressources dans la mesure où on a une priorité de programmes et de projets qu’on peut ajuster au fil du temps. Planifier permet donc de guider l’action publique. Il n’est même pas nécessaire de faire un plaidoyer pour la planification stratégique axée sur les résultats de développement. Cela va de soi. Lorsqu’on fait une planification stratégique, il faut ensuite conduire une planification opérationnelle axée sur des résultats qui incluent pour chaque année, un plan de travail et une budgétisation annuels. C’est dans ce type de démarche que les administrations ivoiriennes et africaines, en général, doivent s’engager plus que jamais ! Les défis et les besoins sociaux sont énormes, on ne peut donc continuer de piloter à vue.
Interview réalisée par Mayane YAPO, Chargée de la Communication et de la Visibilité