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INTERVIEW

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Prof. KAMGNIA Bernadette
Chercheur à la CAPEC et Coordonnateur de l’étude

L’éradication de la faim et de la malnutrition peut être une réalité en Côte d’Ivoire si et seulement si…

  • Publié le 14 Févr, 2019

La CAPEC a réalisé pour le compte du Gouvernement ivoirien, une étude ayant servi de base à l’élaboration d’une feuille de route pour l’élimination de la faim et la malnutrition sous toutes ses formes en CI, à l’horizon 2030. Le lancement de cette feuille de route a eu lieu le lundi 12 février 2018, à l’Auditorium de la Primature. Prof. KAMGNIA Bernadette, Chercheur à la CAPEC et Coordonnateur de l’étude lève ici, un coin du voile sur les résultats obtenus et les recommandations qui en ont découlé.

Professeur, peut-on avoir une idée des Termes de référence de l’étude dénommée «Examen Stratégique Faim Zéro en Côte d’Ivoire»?

En 2015, à la suite des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), et pour capitaliser les progrès accomplis en matière de réduction de la pauvreté et des inégalités dans le monde, les pays membres des Nations Unies ont adopté les objectifs de développement durable (ODD), au nombre de dix-sept (17).  Ces objectifs visent à couvrir l’ensemble des dimensions du développement durable, à savoir la croissance économique, l’intégration sociale et la protection de l’environnement.

Mais c’est l’ODD2, intitulé : «Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l'agriculture durable», qui conjugue le plus grand nombre d’enjeux de développement – alimentaires, agricoles, environnementaux, économiques et sociaux – au sein d'un même cadre de réflexion et d'action.  Ainsi son adoption marque la volonté des pays membres de l’ONU, dont la Côte d’Ivoire, à mettre en place des politiques et des stratégies nationales spécifiques pour rendre plus cohérents et plus efficaces leurs efforts visant à atteindre l’objectif  «Faim Zéro» à l’horizon 2030.

Le Gouvernement de la Côte d’Ivoire, et ses Partenaires Techniques et Financiers conduit par le Programme Alimentaire Mondial, ont ainsi cherché à créer un cadre idoine de l’atteinte de l’ODD2, en lançant la préparation de l’Examen Stratégique Faim Zéro, sous l’exécution technique de la Cellule d’Analyse de Politiques Economiques du Cires (CAPEC), en Juillet 2017.

L’objectif général de «l’Examen Stratégique National Faim Zéro» est de faciliter la mise en œuvre et le progrès vers la réalisation de l’ODD 2, afin de permettre à la Côte d’Ivoire de mieux œuvrer à éliminer l’insécurité alimentaire et la malnutrition. Entre autres objectifs spécifiques, «l’Examen Stratégique Faim Zéro» établit une feuille de route pour l’atteinte de l’objectif «faim zéro» à l’horizon 2030 en Côte D’Ivoire en y définissant les étapes principales et les acteurs clefs.

Pour la réalisation de «l’Examen Stratégique Faim Zéro en Côte d’Ivoire», en un temps record, la Cellule d’Analyse de Politiques Economiques du CIRES (CAPEC), a mis en place une équipe de recherche composée de ses chercheurs et de chercheurs associés, notamment des experts en Protection Sociale et Finance, Finance Agricole et Technique Quantitative, Sécurité Alimentaire, Questions Nutritionnelles, Santé Publique et Sociologie Economique.

Quels résultats avez-vous obtenu de l’analyse des politiques sectorielles en matière de nutrition?

Nous retenons, entre autres résultats majeurs, que les objectifs et les cibles inhérents aux plans nationaux et accords régionaux visant à faire progresser les efforts vers la «Faim Zéro» ont été mis en évidence. En outre, un plan d’actions assorti d’un cadre de coordination adéquat aux politiques, stratégies et programmes a été proposé pour réduire la faim à zéro, d’ici 2030. Nous notons par ailleurs, la mise en place d’un cadre de réflexions impliquant toutes les parties prenantes et un système de suivi et d’évaluation des actions afin d’accélérer les progrès vers la réduction de la faim à zéro.

Ces résultats, nous les avons obtenus en dépit de quelques difficultés liées notamment à l’absence de documents ou de rapports de suivi et évaluation des différents plans, des programmes et des stratégies existants; l’inexistence de données historiques pour permettre une analyse solide des écarts et autres gaps ainsi qu’à procéder à des projections; le délai de préparation de 4 mois qui s’est avéré quelque peu contraignant pour l’équipe de recherche.

Quelles recommandations ont découlé  des forces et faiblesses que vous avez eu à relever?

Partant des défis relevés, nous avons émis des recommandations et actions prioritaires, cible par cible, pour permettre de réduire à zéro la faim d’ici 2030. Il s’agit entre autres d’accélérer la mise en œuvre des programmes sectoriels de sécurité alimentaire pour réduire significativement les prévalences de la sous-alimentation et de l’insécurité alimentaire; Accélérer la mise en œuvre des activités spécifiques de nutrition du Plan National Multisectoriel de Nutrition (PNMN)  pour réduire considérablement la prévalence de toutes les formes de malnutrition; Accélérer la mise en œuvre de sous-programmes spécifiques du Programme National d’Investissement Agricole (PNIA) pour augmenter significativement la productivité agricole et le revenu des petits producteurs; Mettre en œuvre les programmes du PNIA portant sur la gestion des effets du changement climatique en vue d’assurer la durabilité des systèmes de production alimentaires; Accélérer la mise en œuvre de sous-programmes spécifiques du PNIA pour assurer une gestion rationnelle de la biodiversité de la faune et de la flore.

Plusieurs acteurs ou bénéficiaires ont été intéressés par ces résultats. Notamment, la Vice-Présidence de la République, le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique, et des partenaires techniques et financiers impliqués dans la lutte contre la faim (PAM, FAO), etc. Quelles ont été leurs appréciations?

Les Bénéficiaires majeurs dont la Vice-Présidence de la République, le Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique, le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural, le Ministère des Ressources Animales et Halieutiques, le Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionnelle, pour ne citer que ceux-là, ainsi que les Partenaires Techniques et Financiers, tous ont exprimé une grande satisfaction pour la qualité du rendu et pour les résultats et recommandations compilés minutieusement en un temps record de 5 mois de travail.

Pensez-vous réellement que l’éradication de la faim et de la malnutrition soit une réalité en CI, eu égard au seuil de pauvreté dans le pays qui fait que la majorité des habitants n’arrivent pas à se nourrir correctement et partage un repas par jour?

L’éradication de la faim et de la malnutrition est manifestement une réalité en Côte d’Ivoire si l’on s’en tient aux efforts consentis par le Gouvernement non seulement pour tenir le pari de 2030, mais aussi pour combattre la pauvreté nationale, y compris les spécificités régionales.

En effet, la Côte d’Ivoire fait de l’élimination de la faim une des priorités de son Plan National de Développement (PND) 2016-2020. Le Gouvernement ivoirien, à travers le leadership du Ministère de la Santé et de l’Hygiène Publique, a déjà élaboré et fait adopter le Plan National Multisectoriel de Nutrition (PNMN) 2016-2020. Par ailleurs les efforts du Gouvernement pour combattre la pauvreté ne sont pas des moindres, en témoignent les programmes sociaux, et les cantines scolaires dans les établissements scolaires publics, sans omettre les actions ciblées du Conseil National de Lutte contre la Vie Chère (CNLVC) pour faciliter l’accès économique des populations aux denrées alimentaires.

En somme, la Feuille de Route de l’Examen stratégique National Faim Zéro, adoptée le 12 Février 2018, énonce clairement les étapes, les délais, les cibles, les acteurs clés et les actions à mener pour faire de l’éradication de la faim et de la malnutrition une réalité en Côte d’Ivoire. 

Sur quels leviers devrait-on jouer pour plus d’efficacité et avec quels moyens?

Il faut espérer une réelle volonté politique suivie d’actions pour rendre fonctionnel et renforcer les mécanismes d’application des textes réglementaires en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle. En outre, il est fondamental que l’efficience et l’efficacité soient garanties à la conception puis à la mise en œuvre des programmes. Pour cela, il faut entre autres: associer tous les acteurs y compris les bénéficiaires en fonction de leurs capacités; renforcer la transparence dans les critères de sélection des coordonnateurs de projets et programmes; renforcer les capacités de gestion des cellules techniques interministérielles en les rendant fonctionnelles, avec obligation de résultats. Le renforcement des capacités doit être de mise pour les parties prenantes au développement. La mise en œuvre de politiques, stratégies, programmes sectoriels et intersectoriels doit être effective.

Pour terminer, il importe de mettre en place un mécanisme de financement fonctionnel pour l’agriculture. Cela grâce à la création d’une banque de développement agricole viable et accessible aux acteurs des chaînes de valeur des filières;  l’accroissement du financement public du secteur agricole et de la nutrition en vue d’accélérer le processus d’atteinte de l’ODD2; la vulgarisation et l’accroissement des partenariats structurants public-privé en agriculture et nutrition. 

 

Propos recueillis par Mayane YAPO, Chargée de la Communication et de la Visibilité de la CAPEC

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